25/08/2022
A l'ère du « Bajaj »


A l’heure où les révélations liées aux Uber Files- plus de 124000 documents transmis par un lanceur d'alerte du nom de Mark Macgann au quotidien britannique The Gardian qui l'a partagé à son tour avec le consortium international des journalistes d'investigation- soulèvent indignation et fureur dans certaines parties du monde, il est un nouveau mode de transport dont l'apparition ne laisse pas indifférent à Djibouti. Apportant sa part de rêve, d'ébullition et de polémique, le tricycle, plus communément appelé « bajaj », fait parler de lui. Et pas seulement en bien. Même ses avantages sont évidents.


Il vient de propulser le transport en commun dans une ère que certains qualifient de révolutionnaire, tandis que d'autres préfèrent parler de saut dans l'inconnu. C'est peu dire qu’il divise, suscite le débat, créé la controverse, déchaîne les passions.

Il y a d'abord la foule de ses partisans qui prennent fait et cause pour lui, le défendent bec et ongles, arc-bouté sur leur position, déterminés à ne rien céder. Signe particulier : ils sont tranchants dans leur jugement, plus agressifs dans leurs échanges avec ceux du camp d'en face qui font bloc dans leur opposition à ce qui passe désormais pour un phénomène de société.

Zahra Abdi, 67 ans, mère de famille, y met un peu de sa maturité pour les départagés. Elle raconte : « L'aîné des enfants de ma voisine a échoué à deux reprises au baccalauréat. Les déboires ont commencé avec la fin de son parcours scolaire. Ce fut d'abord le chômage. De longues années de désoeuvrement, un vaste moment de flottement où il se montrait plutôt renfermé, distant, écartelé entre le sentiment d'avoir raté sa vie et l'espoir de devenir un jour maître de son destin, entre la résignation et le rêve de tout reprendre. Cet entre-deux a ouvert la voie à la délinquance, l'alcoolisme et les séjours en prison. Un véritable triangle de Bermudes. Puis, un jour il fit part à ses proches de son désir de s'évader, de suivre le chemin de l'immigration clandestine, de "se jeter dans la gueule du loup". Vous voyez ce que je veux dire ? »

Paniquée à l'idée de voir son fils livré à la cruauté des passeurs, sa mère remua ciel et terre pour réunir la somme nécessaire à l'achat d'un « bajaj ». C'était pour elle un moyen de lui offrir une alternative au manque de perspective, de l'aide à échapper à la chape de plomb posée sur son futur et de l’inciter à abandonner ainsi son projet funeste.

A ce stade de son récit, Zahra fait mine de réfléchir, de chercher ses mots. Aux dernières nouvelles, le « petit », comme elle l'appelle affectueusement, a acheté un camion citerne grâce auquel il assure au quotidien l'approvisionnement en eau d'une zone reculée de Balbala où il dispose aussi d'une quincaillerie. Ses activités lui permettent à la fois de gagner sa vie et de venir régulièrement en aide à sa famille dans le besoin. Les histoires de réussite comme celle que raconte Zahra sont légion.

IOH

Source :ADI